Victoire à l’issue d’un référé-liberté : Annulation de l’assignation d’un agent hospitalier gréviste
Par une ordonnance rendue le 25 juin 2022 (n° 2210058), le juge du référé liberté du tribunal administratif de Montreuil a suspendu l’exécution d’une mesure d’assignation d’un cadre de santé qui s’était déclaré gréviste.
Le contexte du litige.
Un préavis de grève illimité avait été déposé, justifié par des revendications portant, notamment, sur le besoin de renfort de l’encadrement au sein du groupement hospitalier.
C’est dans ce contexte qu’un cadre de santé s’est déclaré gréviste pour plusieurs jours. Cependant, dès lors qu’il a annoncé à son employeur, un hôpital public, son intention de se porter gréviste, cet agent hospitalier a été assigné pendant plus d’une semaine.
Or, il était le seul cadre de santé gréviste cette semaine-là et, par ailleurs, le nombre de personnels d’encadrement présents était au moins égal à celui des semaines précédentes.
La stratégie juridique qui s’impose en cas d’assignation de personnels gréviste : le référé liberté.
Le gréviste assigné, seul ou avec le soutien de son syndicat, peut demander au juge du référé liberté la suspension de l’assignation, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
En application de ce texte, lorsque la demande est considérée comme très urgente, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde du droit de grève, à condition de démontrer que l’employeur public y a porté une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés doit se prononce dans un délai de 48 heures suivant la requête.
Pour faire droit à la demande de suspension de l’assignation, le juge des référés exige davantage de preuves que le maintien d’un service minimum ; il veut également s’assurer que l’absence du gréviste n’est pas susceptible de remettre en cause la continuité des soins et la sécurité des patients.
Bref rappel du droit en matière d’assignation d’agents publics grévistes :
Un directeur d’établissement public de santé peut imposer des restrictions au droit de grève de ses agents, dans le but d’assurer la continuité du service public hospitalier (CE, 7 juin 1950, Dehaene, n° 01645, p. 426).
Afin de pouvoir organiser un service minimum, un directeur d’hôpital, ou un directeur adjoint par délégation, notifie une assignation à chaque agent dont la présence dans le service est jugée indispensable à la permanence des soins et à la sécurité des patients.
Ces assignations, au même titre que les réquisitions préfectorales des salariés du secteur privé de la santé, portent une atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève (CE, 9 déc. 2003, Mme Aguillon et a., n°262186, p. 497). On peut donc les contester devant la juridiction administrative – en référé ou par un recours en annulation, voire engager la responsabilité de l’établissement de santé lorsque les assignations irrégulières sont trop fréquentes.
Analyse de l’ordonnance de référé liberté rendue le 25 juin 2022
Dans un premier temps, le juge des référés a admis l’urgence, puisque les deux assignations contestées étaient prévues deux jours seulement après l’audience.
Dans un second temps, pour reconnaître l’atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève, le juge des référés s’est appuyé sur les plannings des cadres pour suspendre l’exécution d’une assignation aux motifs que « le nombre de cadres de santé dont l’absence est d’ores-et-déjà prévue est égal, voire inférieur, à celui observé pour la journée du jeudi 23 juin 2022, date à laquelle l’hôpital [avait] trouvé une solution d’appoint permettant d’éviter le recours à l’assignation de M. X. Par ailleurs, [l’hôpital] n’apporte aucun élément permettant de considérer que le système mis en œuvre au titre du 23 juin 2022 pour assurer la continuité du service public ne pourrait pas être reproduit le mardi 28 juin 2022 ».
Pour conclure sur cette affaire, par l’ordonnance du 25 juin 2022 (n° 2210058), le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a suspendu l’exécution de la décision d’assigner le cadre de santé gréviste pour une journée de grève et a condamné le groupement hospitalier, la partie perdante, à verser une somme de 500 euros aux requérants.
En conclusion :
Devant le juge du référé liberté, il ne suffit pas de soutenir que le droit de grève a été gravement atteint par la décision d’assigner les personnels de santé.
Il faut le démontrer en produisant au soutien de la requête des plannings, des attestations et tous autres documents utiles, afin de prouver que l’absence du ou des agents grévistes n’est pas de nature à remettre en cause la continuité des soins ni à porter atteinte à la sécurité des patients.
Au demeurant, la problématique de sous-effectif structurel est généralement à l’origine du mouvement de grève, pourtant les directions d’hôpitaux ont tendance à insister sur la présence indispensable des agents aux dates pour lesquelles ils se sont déclarés grévistes afin de les empêcher d’exercer cette liberté fondamentale qu’est le droit de grève.
L’assistance d’un avocat rompu à la procédure du référé liberté est donc indispensable pour constituer un dossier étayé et le plus convaincant possible afin d’emporter la conviction du juge administratif.